Pour accompagner la friche des quais au plus juste, il nous faut tenter de comprendre les dynamiques en place, d’imaginer quel tour les choses sont susceptibles de prendre à quel moment, d’anticiper pour pouvoir aussi se laisser surprendre. Petit retour sur ce qui s’est passé avant le début de notre mission, grâce aux photos d’Audrey Marco (écologue).
octobre 2016 – le terrain est prêt
De la terre de raclage venue de Trets a été déposée en surface. Dans la partie centrale des îlots, des plantes de friches voisines ont été transplantées. À la fin de l’automne 2016 de la vesce commune, brome mou, souci des champs, chicorée sauvage… y seront semés, puis quelques arbres de haut jet y seront plantés.
En périphérie, seront installés des arbustes déjà un peu grandis (grenadiers, ajoncs, ronces, églantiers, genêts, pruneliers…) ainsi que des plants forestiers (cornouillers mâles, amandiers, aubépines, lauriers, figuiers) qui doivent assurer le devenir arboré et arbustif de cette friche. Au pied de ces plantations, la terre sera recouverte de ballast.
février 2017 – des contours bien lisibles
Suite aux semis et grâce à la banque de graines de la terre de Trets, le sol de la partie centrale est densément couvert. On distingue des feuilles de mauves, les fleurs blanches de quelques fausses roquettes, et de nombreuses rosettes de chardons marie, aux feuilles veinées de blanc.
Un ajonc de Provence fait déjà étalage de ses fleurs jaunes, mais les arbres et arbustes, caducs pour la plupart, n’ont encore que du bois ce qui renforce le contraste entre le couvert herbacé de l’espace central et la blancheur minérale du liseré périphérique recouvert de ballast. La structure proposée par le plan de plantations initial est parfaitement lisible.
mai 2017 – l’explosion printanière des grands chardons
Les inflorescences des chardons, avec leurs tiges qui mesurent parfois plus de deux mètres de haut, font sensation au cœur de la Friche. Ils forment un fond touffu, sur lequel les arbustes, désormais en feuilles, ont du mal à se détacher. Le ballast commence à être moins nu. Le pied des ganivelles est habillé de coquelicots.
septembre 2017 – la friche dit son nom…
Après un été éprouvant, la friche des quais a un air étrange. Les grands chardons ont fini de sécher et ont versé, une partie des plantations a énormément souffert (on distingue ici un ajonc de Provence grillé, des arbres défeuillés, un grenadier qui laisse mourir les extrémités de ses branches). La strate herbacée bénéficie du surcroît d’arrosage apporté aux arbres depuis quelques semaines et malgré la sécheresse inédite de l’automne armoises, chénopodes et blettes prennent leurs aises.
Dans ce grand désordre apparent, le regard s’arrête sur des floraisons nombreuses, même si elles sont moins spectaculaires que celles du printemps: belles de nuit, concombres d’âne, cosmos, mauves, chicorées, lyciets, séneçons du cap, mélilots, vesces, morelles… nous offrent leur floraison automnale. L’oeil attentif distingue aussi quelques feuillages singuliers: pimprenelles, potentilles, pavots cornus, roses trémières… tandis que le sol est de nouveau couvert de rosettes de chardons porteuses d’un beau feu d’artifice en puissance.
Et maintenant?
Alors qu’en dire? Eh bien qu’une belle dynamique s’est installée – au-delà de ce qu’on pouvait imaginer; que la diversité des espèces en place est surprenante; que l’inattendu a pris le pas sur ce qui était planifié… et que cet ensemble plein de vie s’éloigne de plus en plus de l’imaginaire collectif du jardin… et par conséquent des attentes d’une partie d’entre vous.
Notre rôle de jardiniers fricheurs n’est pas de transformer la friche en jardin, mais d’accompagner la friche et le public pour entrer en dialogue.

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