Si la limace, l’escargot ou encore le cloporte se régalent des végétaux en décomposition, on trouve ici de petites bêtes à l’appétit carnassier. Petite galerie des prédateurs que l’on rencontre Place des quais.
Dans un froissement de feuilles, une petite silhouette poilue détale à notre approche. On le reconnait vite, le chat de gouttière. Mais ici, pas de caresses, pas de ronron, les spécimens de la Friche semblent bien sauvages et ne se laissent pas approcher. Même si ceux-là se satisfont peut-être des restes glanés dans les poubelles, il ne faut pas oublier que le chat (Felis silvestris catus) s’attaque aux petits mammifères, à certains oiseaux et insectes, voire aux petits reptiles par besoin de se nourrir mais aussi par instinct de chasse (cela devient un jeu cruel lorsqu’il dispose d’une gamelle à la maison). A l’inverse, il n’a quasiment pas (plus) de prédateurs. Avant de craquer pour un chaton, souvenons-nous donc de cet impact négatif sur la petite faune, qui n’est déjà pas florissante de nos jours, et c’est un euphémisme !

D’autre fois, c’est un insecte volant à la grosse tête casquée et aux élégants reflets bronzes ou bleutés qui fait irruption dans notre champ de vision. On suit alors son vol avec plaisir. Mais on ne sait pas toujours que la libellule est un redoutable prédateur dès sa naissance. Au stade larvaire, on la trouve dans l’eau où elle peut vivre entre 1 et 5 ans selon l’espèce, avant de se transformer. Larves de moustiques, têtards et petits poissons n’ont qu’à bien se tenir. Un fois dans l’air, mouches, moustiques, taons, moucherons et autres diptères seraient les composants favoris de son menu. La présence de libellules place des quais peut surprendre tant le lieu est aride en été. Mais cela s’explique certainement par la vigilance des jardiniers voisins qui veillent à maintenir toute l’année un niveau d’eau suffisant dans leur petit bassin.

Vedette des livres pour enfants, la coccinelle séduit beaucoup. Le jardinier averti sait que sa robe rouge est à l’image de son appétit: sanguinaire. La coccinelle adulte comme sa larve se nourrissent essentiellement de pucerons (plusieurs centaines par semaine) mais n’excluent pas d’autres insectes (psylles, cochenilles, larves de diptère, etc.) voire ses congénères dans le cas de la vorace coccinelle asiatique… comme c’est mignon ! A l’inverse, on trouve sous nos latitudes méridionales des coccinelles végétariennes qui s’attaquent plutôt aux cucurbitacées.

Le perce-oreille (Forficula auricularia) est polyphage: il se nourrit aussi bien de proies vivantes que mortes ainsi que de tissus végétaux abimés ou en début de décomposition. Comme la coccinelle, c’est un auxiliaire du potager car il se nourrit des pucerons et autres petits nuisibles des cultures. On le nommerait perce-oreille avant tout pour sa tendance à se réfugier dans les trous (l’oreille n’en est-elle pas un ?) ou les crevasses et non pour sa passion du piercing…
Le lézard des murailles (Podarcis muralis) est une espèce protégée au niveau national, menacée par la disparition et la fragmentation de son habitat ainsi que l’utilisation de pesticides qui agissent directement sur lui ou sur sa nourriture. Acrobate (ces pattes sont terminées par des doigts et des griffes), il sait se faufiler partout et se nourrit principalement d’araignées et d’insectes (papillons, grillons, mouches, criquets, etc.) ou encore de vers de terre: il n’est pas loin du sommet de la chaîne alimentaire de la belle friche des quais. Mais il peut être ici la proie des oiseaux et des chats. On voit d’ailleurs sur ce spécimen que le bout de la queue est d’une teinte différente du reste du corps: il s’agit d’une repousse. Saisi par la queue, le lézard a la faculté de détacher en partie celle-ci du reste de son corps pour s’enfuir. La plaie cicatrise, un moignon apparait et se développe jusqu’à reformer la queue. La friche est un bon lieu de vie pour lui car elle lui offre d’une part une couverture végétale importante dans laquelle il chasse et s’abrite et d’autre part, des zones bien exposées au soleil où il peut se réchauffer, peut-être même faire la sieste.
L’araignée Napoléon (Synema globosum) se rencontre souvent sur des fleurs où elle guette ses proies, des insectes fruticoles. Son nom vulgaire fait référence au motif noir qui orne son abdomen et qui évoque un buste de Napoléon, du moins son bicorne. Elle fait partie de la famille des araignées dites araignées crabes car leur allure rappelle celle de ce crustacé, avec leurs pattes antérieures bien plus développées que les postérieures. Si l’araignée napoléon se distingue bien, certaines de ses cousines sont capables de changer de couleur en fonction de la fleur où elles se trouvent (jaune ou blanche, n’allez pas imaginer d’araignée arc-en-ciel).
Souvent mangés, parfois mangeurs, nous avons évoqué ici nombre d’insectes. Cette grande famille de petites bêtes est particulièrement intéressante pour qui s’intéresse à la biodiversité à partir de la végétation, car ses membres ont développé des relations très étroites avec les plantes. Nous vous en reparlerons plus avant dans de prochains articles.